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jeudi 15 mai 2008

Perse : pan-régionalisme et mondialisation N°204 - 1ere année

Georges Bush le rappellera aujourd’hui devant la Knesset : « L’Amérique se tient à vos côtés dans votre ferme opposition aux ambitions nucléaires militaires de l’Iran »¹. Le 11 mars dernier, le départ de l’amiral Fallon du Central Command (CENTCOM) et son remplacement par le général David Petraeus -qui commandait les troupes basées en Mésopotamie - plus acquis à la ligne dure conduite par Dick Cheyney était un signal fort envoyé aux puissances régionales amies. Mais l’Arabie Saoudite s’opposerait toujours aux frappes « chirurgicales » contre son voisin persan ; la Turquie rechignerait également.
A Téhéran, on affecte non pas une indifférence devant ces offensives verbales régulières depuis plusieurs années mais un intérêt grandissant pour développer une diplomatie pan-régionale et mondiale. Après tout, bombardements sélectifs ou pas, la politique ne doit-elle pas veiller à empêcher l’adversaire d’attaquer et s’il le fait de l’affaiblir ? Et la Perse est très riche en pétrole et en gaz.
Si l’on laisse de côté les querelles intestines (importantes) au sein des dirigeants de la république islamique, on voit que la population et les politiciens, tous confondus, se réunissent autour de la question nucléaire. Et, de ce fait, les réflexions se font en direction de ce qui peut avantager le pays à court et à moyen terme.
Des trois organisations régionales majeures, l’Organisation du Conseil Economique (OCE), l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et le Conseil de Coopération du Golfe (CCG)² la république islamique de Téhéran n’appartient qu’à la première, pour la seconde elle a un statut d’observateur et elle est exclue pour le moment de la dernière. Inutile de souligner que pour Téhéran développer ou créer une diplomatie pan-régionale relève du simple bon sens.
Quels sont les atouts ? D’abord la situation géographique persane qui la place stratégiquement entre le Golfe persique et l’ensemble de l’Asie et au-delà vers la mer Caspienne et le Caucase ; ensuite sa richesse pétrolière et gazière (le champ gazier de Pars-sud est partagé entre ses eaux et celles du Qatar). En troisième lieu, la réalisation d’un gazoduc IPI (Iran-Pakistan-Inde) dont les travaux commenceraient en 2010. Le déplacement du Président Mahmoud Ahmadinejad le 29 avril à New-Delhi devait officialiser le projet ; nn quatrième lieu, les ambitions et les calculs des acteurs mondiaux, la Russie (Gazprom), la Chine, qui veulent non seulement sécuriser les routes énergétiques mais aussi, sur un plan strictement stratégique garantir leur espace vital réciproque, contrer les calculs américains.
Quels sont les obstacles ? La Russie et la Chine refusent encore à Téhéran de devenir membre à part entière de l’Organisation de coopération de Shanghai par crainte de courroucer Washington. C’est là le motif officiel mais, au vu des enjeux en cours, les deux puissances ne jugeant pas leurs forces économiques suffisantes, elles estiment habiles de donner des gages. Les membres du Conseil de coopération du Golfe ferment leur porte à Téhéran mais celle-ci pense, qu’avec l’installation d’un état chiite en Mésopotamie (le Président Ahmadinejad et le Président irakien Jalal Talabani (Kurde) sont amis depuis leur lutte commune contre Saddam Hussein) certains d’entre eux se montreraient moins hostiles. En troisième lieu, les sanctions économiques initiées par les Etats-Unis sont un handicap important dans le développement économique de la République islamique. Posons-nous la question de savoir combien de temps tiendront-elles devant la montée en puissance de l’Asie, de la Russie ? Sur ce point les politiques américains les plus durs pensent que l’action militaire et le renversement du régime sont les seules issues possibles.
L’Europe, censée faire cause commune avec les Etats-Unis, est gênée depuis le 17 avril dernier. La Suisse a signé un accord de fourniture de gaz d’une durée de 25 ans avec Téhéran et pour un montant de 27 milliards d’euros (45 milliards de dollars). La ministre suisse des affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey, a indiqué que cet accord était bon pour deux raisons : réduire la dépendance énergétique européenne vis-à-vis de la Russie, aider l’Italie, pauvre en gaz. Coup de tonnerre pour l’Union européenne³, menaces de rétorsions des Etats-Unis (plus discrètement de Londres) contre la Suisse.
Les dirigeants de la république islamique connaissent l’urgence à se lier solidement avec ses voisins comme le Pakistan, l’Inde, la péninsule arabique qui sont, aussi, des alliés anciens de son pire ennemi, les Etats-Unis.
Au lieu de s’engager dans l’autre projet de gazoduc (Turkménistan, Afghanistan, Pakistan, Inde) soutenu par Washington et sécurisé par l’OTAN, New-Delhi a opté pour l’IPI. Pourquoi ? Les dirigeants indiens comptent de cette façon tenir le Pakistan (état indien mais musulman) et renouer des relations avec la Perse, son interlocutrice historique.
Dernière observation, Christophe de Margerie, PDG de Total en se disant prêt à accueillir le fonds souverain du Qatar joue, habilement sur deux tableaux et pense pouvoir échapper à une réprimande américaine.
Dans ce monde nerveux où il apparaît que les associations entre les nouvelles puissances mettent au rancard la prépotence d’une seule, la Perse dispose d’atouts à défaut du temps presque comme les Etats-Unis.


©Jean Vinatier 2008

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Sources :

1-
http://www.lejdd.fr/cmc/scanner/international/200820/bush-iran-nucleaire-une-trahison_117298.html?popup

http://blog.mondediplo.net/2008-05-07-Iran-Pakistan-Inde-ou-l-entente-gaziere
http://atimes.com/atimes/Middle_East/JE06Ak01.html
http://atimes.com/atimes/Middle_East/JE03Ak04.html

In Seriatim :

http://seriatim1.blogspot.com/2007/08/bal-trois-bagdad-thran-kaboul.html
http://seriatim1.blogspot.com/2007/09/pantomimes-en-msopotamie.html
http://seriatim1.blogspot.com/2007/11/un-ambassadeur-ispahan.html
http://seriatim1.blogspot.com/2008/01/georges-bush-en-fin-de-mandat-lorient.html

2- OCE : Afghanistan, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Ouzbékistan, Kirghizstan, Pakistan, Tadjikistan, Turkménistan, Turquie)
OCS : Chine, Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Russie (membres)
Inde, Pakistan, Mongolie (observateurs)
CCG : Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie Saoudite, Emirat arabes unis.

3- Si la Suisse n’est pas membre de l’Union, ce contrat met mal à l’aise la commission européenne.


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