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mardi 26 février 2008

Australie : Kevin Rudd vers l’Asie N°148 - 1ere année

Kevin Rudd (né en 1957)le nouveau Premier ministre australien travailliste a prêté serment en décembre 2007. Immédiatement, il a signé les accords de Kyoto. Et, au nom de la cohésion nationale, il fait reconnaître officiellement les torts causés aux Aborigènes.
A l’opposé de son prédécesseur, John Howard qui avait adhéré à « l’arc asiatique de la démocratie » (Japon, l’Australie, l’Inde, Etats-Unis) initiée par l’ancien Premier ministre japonais, Shinzo Abe, il s’en sépare. Pourquoi ? Il n’approuve pas l’idée du « containment » contre la Chine. Il lui préfère le dialogue stratégique. Ne parle-t-il pas le mandarin ?
Kevin Rudd rapatriera, enfin, les troupes stationnées en Mésopotamie.
On est loin de l’image traditionnelle de l’Australie, terre de kangourous, de koalas et de surfeurs. Un nouveau vent soufflerait-il depuis Canberra ? Officiellement rien ne bouge : l’Australie a pour chef d’Etat, le souverain britannique. Mais, peut-être songe-t-elle à des ambitions bien à elles. Son prédécesseur, John Howard se contentait de suivre en béni oui-oui, les décisions de l’équipe de Georges Bush et il s’entendait bien avec Tony Blair. Kevin Rudd, parce que plus jeune, familier avec le mandarin et, surtout, sachant lire une carte croit à un moment stratégique. Le centre de gravité économique se déplaçant vers l’Asie, l’Australie monte, logiquement, en première ligne.
Si Kevin Rudd ne remet pas en cause l’alliance militaire avec les Etats-Unis (ANZUS en 1951), il renforcera le dialogue stratégique avec la Chine. A quoi cela sert-il de vouloir enserrer cette puissance par un cordon « démocratique » quand l’économie l’interdit ? Qu’entend-il par dialogue stratégique ? Placer l’Australie en rôle majeur de cette partie du monde et donc ne plus être un acteur dormant.
Jusqu’à présent, plusieurs facteurs limitaient traditionnellement la marge de manœuvre de la diplomatie australienne : l'isolement géographique du pays, la faiblesse de sa population et de son marché intérieur, et son potentiel industriel limité soulignaient l'enjeu essentiel de la sécurité des voies de communication pour une Australie excentrée, exportatrice de produits primaires. Ces handicaps ont incité l'Australie- avec l’agrément de Londres - à se placer, après la seconde guerre mondiale, sous l’aile américaine.
La diplomatie australienne a affirmé, parallèlement, son insertion en Asie et son appartenance au Pacifique sud. Mais, en se voulant un allié sans faille des États-Unis et en se prévalant de ses liens historiques avec l'Europe, l'Australie cherchait à valoriser son rôle de "charnière" entre l'Asie et l'Occident. C'est dans cet esprit que Canberra souhaitait en particulier attirer les investisseurs européens en mettant en valeur les relations commerciales privilégiées qu'elle entretient avec les pays asiatiques.
C’est précisément ce rôle de puissance « charnière » que Kevin Rudd aimerait revoir dans un sens plus dynamique. Pragmatique, il sait qu’avec le Japon, l’Australie est le second sheriff de la région Pacifique/Océanie pour Washington. Pragmatique, il n’ignore pas les dangers inhérents à la montée très rapide de la Chine et il n’entend pas les sous-estimer. La visite de Yang Jiechi, ministre des Affaires Etrangères chinois le 5 février dernier a mis l’accent sur la formation de milliers d’étudiants chinois lesquels pourraient jouer à l’avenir un rôle décisif dans la nouvelle économie monde et dynamiser l’industrie australienne.
A l’inverse de John Howard qui pensait que sa seule docilité envers Londres et Washington suffisait à garantir la sécurité du pays, Kevin Rudd présuppose que le meilleur moyen de s’épanouir serait d’entrer dans le jeu asiatique en comptant sur les concurrences de New Delhi, de Pékin, de Tokyo. Mais cette étape nécessite le soutien sans faille américain, l’Australie ne disposant pas d’un outil militaire suffisant. Canberra devra aussi faire taire les réticences des Etats sud-asiatiques tels la Malaisie, le Myanmar. . La fragile indépendance du Timor-Oriental reste une épine dans le pied australien.
Confronté à l’immensité de l’espace géographique, l’Australie veut améliorer sa capacité de projection, militaire, diplomatique, économique (APEC). Dernier point, la permanence du malaise identitaire australien où l’Asiatique est, encore, perçu comme l’ennemi.
La question qui se pose aux politiques australiens est la suivante : comment monter en puissance sans devenir impuissant ? La tâche sera forcément de longue haleine. Kevin Rudd est, sans doute, un nouveau type d’homme d’état australien par son approche des problématiques de son temps. Devant l’Asie, continent clef de ce millénaire, l’identité australienne connaîtra une évolution importante.
Nation anglophone, avec un chef d’Etat anglais et une alliance américaine, l’Australie de Kevin Rudd est originale. Sa marche vers le contact asiatique s’annonce d’un profond intérêt avec ou sans l’abandon, à terme, de la couronne britannique.


©Jean Vinatier 2008
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