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lundi 11 février 2008

Afghanistan : 700 parachutistes français à Kandahar ? N°137 - 1ere année

A Vilnius la réunion des ministres de la Défense de l’OTAN, les 7 et 8 février, consacrait ses séances à la situation en Afghanistan, précisément avec la demande de l’OTAN (des chefs de l’ISAF) d’un renfort de 7.500 hommes pour tenter de contrôler la situation dans le sud du pays :
« Les membres de l'OTAN ont indiqué qu'ils tenteraient de trouver une issue à cette crise d'ici le prochain sommet de l'OTAN, les 2 et 4 avril à Bucarest, en Roumanie, où un certain nombre d'annonces, notamment françaises, devraient être effectuées sur le dossier afghan. » Et juste avant cette réunion «Le chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy, s'est entretenu sur ce sujet par téléphone, le 5 février, avec le Premier ministre canadien, Stephen Harper. A Vilnius, le ministre français de la défense, Hervé Morin, a démenti une information diffusée par les médias canadiens selon lesquels Paris dépêcherait 700 parachutistes à Kandahar. Il a néanmoins confirmé que la France allait apporter son aide.» ¹ Le Times magazine balayait le propos du ministre français² et prenait pour acquis le renfort en bérets rouges.
A Munich les 8 et 10 février lors du séminaire de la Conférence annuelle sur la sécurité internationale, le secrétaire d’état américain à la Défense, Robert Gates, a répété l’extrême nécessité de l’envoi de renforts dans le sud afghan.

La fin de l’hiver échauffe considérablement les esprits occidentaux et américains au regard de la reprise des offensives des talibans prévues aux premiers jours du printemps.
La résignation des Etats membres de l’OTAN et de l’ISAF s’ajoute à une sourde colère contre l’extension du champ miliaire en Afghanistan. On évoque, même, une prolongation des offensives sur le territoire pakistanais. « Il y a désormais une inquiétude sur le niveau de pénétration d’Al Qaida, à l’intérieur du Pakistan [...] Donc le Pentagone est extrêmement préoccupé à ce sujet. » rapportait en janvier dernier le chef d’état major de l’armée américaine l’amiral Michael Mullen. Le hic serait d’entrer en guerre contre les Pachtounes installés au sud-est de l’Afghanistan et au nord-ouest du Pakistan. Ils forment l’ethnie la plus importante et sont de confession sunnite.
Le discours ironique de Robert Gates qui faisait la séparation entre les Etats qui acceptaient d’envoyer un corps militaire dans des régions calmes ou presque et ceux qui plaçaient leur contingent national dans les zones dangereuses a, prodigieusement, agacé le gouvernement allemand. Ce dernier ne voit pas l’intérêt d’ajouter d’autres soldats. Les gouvernements canadien et britannique indiquent leurs capacités atteintes. Le choix semble-t-il retenu par Nicolas Sarkozy de porter nos soldats à un plus grand nombre dans le sud afghan (et demain pakistanais ?) tient à une ambition singulière : peser davantage dans l’OTAN ! Si l’Elysée pense, un seul instant, recevoir une récompense depuis Washington, la déception risque d’être considérable.
Quel serait l’intérêt de grandir une force armée étrangère dans un pays sans autorité centrale ? Aucune. Quel intérêt d’apporter notre soutien à une stratégie américaine dans ses desseins de déstabilisation et de « containment » de la Chine ? On le cherche. Les talibans sont partout et nulle part. De temps en temps, une dépêche nous annonce quelques dizaines de tués parmi eux avant que le silence ne retombe. Le taliban serait-il un prétexte ? Il est en tout cas de plus en plus mystérieux.
Le souci politique de l’Elysée d’entrer le plus complètement possible dans le discours américain contredit largement tout le discours du Président dimanche soir. Nicolas Sarkozy y plaidait avec vigueur pour une défense européenne indépendante. L’envoi de 700 parachutistes (unités d’élite) français dans la région de Kandahar est de la part de Paris un signal fort en direction du Pentagone. Si 87 soldats anglais sont tombés en Afghanistan, 13 français y ont laissé la vie en l’espace de quelques mois. C’est cher. La position française effraie par son imprudence et son souci de complaire sans être en mesure d’obtenir aucun avantage décisif.³
Le soutien apporté à l’OTAN, organisation militaire fragilisée depuis que les nouveaux membres, les pays de l’Europe de l’Est, passé l’enthousiasme freinent des deux pieds, ne participe pas à un regard neuf de notre part. A la vérité, tous les gouvernements européens murmurent que l’OTAN n’est plus une structure moderne mais tous craignent de franchir le Rubicon pour forger une défense européenne dégagée de cette organisation née en 1954.
On ferait bien de relire le très intéressant article de Paul-Marie de La Gorce paru dans Le Monde diplomatique en décembre 2002 dans lequel il indiquait ce qui suit
: « Dans la stratégie américaine trois cadres différents se superposent partiellement : la politique définie après la guerre froide pour empêcher la résurgence de toute puissance rivale analogue à ce que fut l’Union soviétique, et qui visait d’abord l’affaiblissement de la Russie ; la lutte globale contre le terrorisme, les Etats qui le soutiennent, mais aussi ceux qui ont décidé d’acquérir des armes de destruction massive ou s’en sont déjà dotés ; et la guerre engagée le 7 octobre 2001 contre l’Afghanistan avec ses rebondissements et ses prolongements. Pour une large part, les trois cadres coïncident avec l’espace géographique compris entre les mondes chinois, indien, slave et arabe, et que recouvre pour les experts américains le concept de « sud-ouest asiatique. »
Et de conclure, quelle serait donc la légitimité de l’engagement de nos forces d’une part et de celui de l’Union européenne dans ce sud-ouest asiatique made in US aussi peu en liaison avec notre histoire ? Une prophétie du XVe siècle ne dit-elle pas qu’entre Kandahar et Farâh (provinces du sud-est et du sud-ouest afghan) « se trouvait le lieu de la future bataille où doit se décider le sort de l’Asie » ?


©Jean Vinatier 2008

Notes :

ISAF ou FIAS (en français, Force Internationale d’Assistance et de Sécurité) créée en décembre 2001 par les Nations Unies pour sécuriser la région autour de Kaboul. Depuis cette date, la mission n’a cessé de s’étendre à l’ensemble du territoire afghan. Depuis octobre 2002, l’OTAN est présente en Afghanistan.
Quarante pays participent à cette force mais, seulement 20 y ont des troupes. La force est passée progressivement de 16 000 hommes à 43250 hommes. Les contingents, américain (15 000 hommes) et anglais (8000 hommes) sont les plus nombreux.

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