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mercredi 12 décembre 2007

USA : le Congrès et la « communauté du renseignement » font alliance N°95 - 1ere année

Le 4 décembre dernier, la publication du rapport du National Intelligence Estimate (NIE), organisme dépendant de la CIA, sur l’Iran a fait l’effet d’une bombe aux Etats-Unis et dans le monde entier. Le chef de la majorité démocrate au Sénat Harry Reid disait: «Nous avons demandé cette évaluation pour que l’administration ne puisse pas entraîner ce Congrès et ce pays dans une autre guerre à partir de renseignements faussés. »
Le rapport pulvérise le parti belliciste à Washington : l’Iran n’est plus un danger nucléaire depuis 2003. Dick Cheney, lui-même, a dû se rendre à l’évidence. Le coup des armes de destruction massive pour justifier l’invasion hors la loi internationale de la Mésopotamie en 2003 ne se reproduira pas. Ainsi en a décidé, semble-t-il, « la communauté du renseignement américain » qui pour l’occasion prend pour publiciste le parti démocrate. On imagine sans peine les terribles batailles internes au sein des agences de renseignement, des partis américains où l’on trouve encore un grand nombre de va-t-en guerre démocrates et républicains confondus. L’état-major américain violemment perturbé et divisé en clans autour du possible bombardement de l’Iran depuis une dizaine de mois ajoute un poids d’importance à cet événement inouï.
Evénement inouï, aussi, pour les alliés américains qu’ils soient de circonstance ou de longue date surpris par cette publication alors qu’ils s’engageaient cahin-caha derrière les USA sur le dossier iranien. Souvenons-nous des propos de Kouchner et de Sarkozy. Ce dernier réitère dans l’édition du Nouvel Obs de demain le danger iranien. Croit-il que le rapport est un faux ? Ou bien croit-il à une simple opération de communication ? Philippe Grasset résume excellemment le désarroi de l’Union européenne : « La NIE 2007 a posé sur la crise iranienne un énorme point d’interrogation. Les Européens, qui croyaient avoir trouvé une politique qui évite les interrogations dérangeantes (soit suivre les USA sous prétexte du danger iranien, soit suivre les USA sous prétexte de les freiner dans leurs intentions bellicistes), sont à nouveau devant la terrible question prochaine du choix. Ils vont devoir se déterminer en fonction, non plus d’une allégeance (aux USA), tactique ou pas, mais en fonction d’une situation réelle (l’Iran) qui n’autorise plus les choix radicaux et manichéens. S’ils choisissent de continuer à soutenir aveuglément les USA, ils prouveront qu’effectivement ils ne peuvent rien imaginer d’autre que l’allégeance; cette remarque est d’ailleurs nuancée par une autre interrogation, sur le devenir de cette politique US après la NIE 2007, qui pourrait tout simplement déboucher sur une paralysie complète (au moins jusqu’à l’élection présidentielle). L’alignement automatique et aveugle des Européens réaffirmé sur la continuité d’une politique dépassée par la grâce paradoxale des services de renseignement US est l’expression, également paradoxale, de l’angoisse de la nécessité d’un choix prochain.»¹
Gordon Brown, Premier ministre britannique, tire indirectement les conséquences du rapport du NIE en veillant à confier aux autorités du gouvernement de Bagdad installé dans la zone verte, la ville de Bassora le 16 décembre prochain et confirmer le retrait quasi complet des troupes pour le printemps 2008. Il assène un autre coup en Afghanistan. Le contingent britannique quitterait ce pays après avoir conclu toute une série d’accords avec les « talibans »². Le mot de taliban est devenu général et vague. Il désigne aussi bien un chef de guerre, un chef de tribu ou un simple trafiquant. Bref, tout homme qui a un fusil et quelques hommes autour de lui est un « taliban ». Ce choix s’oppose totalement à la stratégie et à la tactique américaine qui exclut ce genre d’arrangement au profit des bombardements massifs.
Notons, au passage, que les Américains qui se flattent de la baisse des attentats en Mésopotamie et plus particulièrement à Bagdad omettent de dire qu’ils ont payé des sommes considérables pour acheter les chefs des groupes armés qui circulent sur ce territoire, allant jusqu’à leur confier des armes en échange de leur inaction d’une part, et que les érections de murs dans la capitale, d’autre part, bloquent autant les « terroristes » que les bagdadis.
La guerre contre la terreur finirait-elle dans le chaos du camp des présumés vainqueurs ? L’alliance entre le Congrès et la communauté du renseignement constitue un moment révélateur. N’oublions pas, il faut le répéter, que les idéaux des néo-conservateurs ont rencontré l’approbation des républicains et des démocrates dont Hillary Clinton et Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des Représentants. Ces derniers ont voté tous les budgets sans sourciller et opiné à la plupart des dispositions législatives les plus attentatoires à la liberté des citoyens. S’il faut souligner le retour d’un peu de raison, gardons-nous de tout optimisme exagéré. Les disputes internes ont été si fortes dans la classe politique, le « monde du renseignement », l’armée, les financiers que les contrecoups pourraient réserver des surprises tout au long de la campagne présidentielle en 2008.

©copyright Jean Vinatier 2007


Liens :

1-
http://www.dedefensa.org/article.php?art_id=4699
2-http://news.independent.co.uk/world/politics/article3244696.ece

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