Info

Nouvelle adresse Seriatim
@seriatimfr
jeanvin22@gmail.com



jeudi 8 novembre 2007

Etats-Unis/Europe : autour de la superpuissance N°71 - 1ere année

Une grande nation se mesure à sa capacité à entendre sans sourciller la liste de ses devoirs prononcée par son invité : en l’espèce le Président de la République Française. Le Congrès assemblé a écouté un chef d’Etat calme, convaincu par son discours en qualité d’ami des Etats-Unis.
On nous reprochera certainement cette impudence qu’il y a à exiger des autres ce que l’on ne voudrait pas entendre d’un chef d’Etat étranger devant nos députés et sénateurs réunis. Mais, enfin, s’adressant à la nation qui se considère comme la plus puissante au monde, ne devait-il pas lui dire son degré de responsabilité. C’est un point important.
Profitons du discours présidentiel pour voir ce à quoi s’engage une nation qui accepte son rang de superpuissance ou d’hyper puissance.
Le débat est ancien autour de la notion de puissance prépondérante. L’Europe fut la première à avoir au XVIe et XVIIe siècles des débats riches, passionnants sur le thème de la monarchie universelle. Les adversaires, les plus nombreux, craignaient par dessus-tout la tyrannie d’une seule nation c’est-à-dire de la monarchie universelle. Longtemps la maison des Habsbourg (Charles Quint) concentra sur elle les tirs puis ce fut l’Espagne de Philippe II et enfin, la France de Louis XIV. Les esprits européens pensaient que l’équilibre entre les puissances était la sage mesure capable de faire vivre en harmonie les unes et les autres. Les traités de Wesphalie signés en 1648 au terme d’une guerre de trente ans qui ensanglanta tout le continent introduisit officiellement la notion d’équilibre européen. Il faudra un siècle de plus pour le consolider. A la veille de 1789, l’Europe arrivait – d’une manière bien fragile – à accepter la stabilité des frontières et la légitimité des pouvoirs en place comme le socle commun. Le partage de la Pologne montrait clairement des progrès à accomplir. Au lendemain de la guerre d’indépendance américaine en 1783, Lord Shelburne, Premier ministre, n’écrivait-il pas au ministre de Louis XVI, le comte de Vergennes, que tout conflit européen à venir serait vécu comme « une guerre civile » ?
Les Etats-Unis en 2007 ? Ezra Suleman écrit dans Le Figaro du 6 novembre : « Quant aux Etats-Unis, même s’ils sont à l’origine des institutions multilatérales nées de la Deuxième Guerre mondiale, ils préfèrent rester la seule superpuissance aussi longtemps que possible. Aucune puissance n’a jamais cherché à diminuer sa propre influence. » Sommes-nous si éloignés du XVIe siècle ? A cette époque les Habsbourg ne voulaient-ils pas être la seule puissance ? Si aucune nation ne veut diminuer sa propre influence, pense-t-elle durer inconsidérément face à des nations qui partagent des valeurs complémentaires, similaires ? Un Etat est-il légitime à indiquer qu’il veut être le seul super pouvoir quand l’évidence lui montre la difficulté à assumer ce rang ?
Un des enjeux du XXIe siècle est justement l’équilibre entre les puissances mondiales. Nous retrouvons en partie toute cette époque européenne d’avant la Révolution Française. On ferait bien de reprendre les ouvrages et les traités sur cette matière. Les débats entre Américains et Européens, par exemple, sont dans une médiocrité affligeante faute d’esprit critique, de réflexion et de repères historiques. Ils se résument à : pro ou anti-américains !
Comment organiser le concert entre les « nations monde » (p.e, Inde, Chine, Russie, monde arabe) ? Voilà un thème riche. Devant le désordre planétaire, on comprend, cependant, les Etats-Unis attachés à leur statut original. Mais ce désordre est en partie celui qu’ils encouragent pour justifier de leur place singulière. Tout le travail intellectuel ne serait-il pas d’amener les Etats-Unis vers le concert des « puissances monde » pour ériger un socle en commun ou en communauté de valeurs ? Quelle serait la diminution de puissance ? Aucune puisque cet équilibre mondial concerté garantirait la puissance légitime de chacune d’entre elles ! Quel serait l’intérêt, enfin, de rester la seule superpuissance et d’assumer en retour tous les fardeaux de la planète ? On n’en voit aucun exception faite de l’égoïsme national.
Autour des droits et des devoirs en commun des nations que le Président de la République a introduit devant le Congrès américain s’ouvre un champ foisonnant pour lequel il est pressant de trouver les laboureurs adéquats. Relisons l’histoire et notamment celle de l’Europe diplomatique pour nous remettre sur des voies intelligentes. A cet égard les droits et les devoirs des Etats-Unis et de l’Union européenne se mesurent pleinement. Et le débat est ouvert urbi et urbi.

©copyright Jean Vinatier 2007

Aucun commentaire: