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lundi 29 octobre 2007

Vers la fin du traumatisme de Sèvres en Orient? N°63 - 1ere année

Les récents événements intervenus en Turquie, au Kurdistan et dans le dossier du nucléaire iranien jettent un regard plus neuf sur cette région dénommée du Moyen-Orient par les Anglais au début du XXe siècle. Si on concentre sa vue sur le Kurdistan, quatre Etats, Syrie, Perse, Turquie, Irak en ont une part. Faisons un retour sur le passé. Le traité de Sèvres en 1920 consommait la fin de l’empire Ottoman : les terres arabes placées entre les mains, anglaise et française, l’Arménie et le Kurdistan reconnus. Ce traité, jamais ratifié, a renforcé les troupes de Mustafa Kemal lesquelles continuèrent le combat pour la naissance de la Turquie moderne. Le traité de Kars en 1921 signé avec les républiques socialistes, régla la question transcaucasienne et la fin de l’Arménie souveraine. Le traité de Lausanne (1923) paraphé par les puissances victorieuses des Ottomans biffa le nom de Kurdistan. Les dispositions jamais appliquées de 1920 n’étaient plus qu’un souvenir. Mais les problèmes demeuraient entiers. Ankara réclamait, en vain en 1926, le secteur de Mossoul devant la SDN.
Quatre-vingts ans plus tard, le Kurdistan joue un rôle clef dans le nouvel équilibre oriental. Ankara et Téhéran prennent conscience de l’absurdité d’un conflit armé. Elles développent un partenariat industriel et énergétique. Ankara, Damas se rapprochent via le problème kurde. La Turquie reste prudente envers le gouvernement siégeant à Bagdad mais des deux côtés, la voie diplomatique est privilégiée. Les leaders kurdes, Barzani, Talabani, qui représentent la grande bourgeoisie montrent plus de réticence envers le PKK (Kurdes de Turquie) mais souhaitent le garder comme atout entre leurs mains.
Les Kurdes, les Turcs, les Perses, les Iraquiens, les Syriens notent l’embourbement américain, l’absence de l’Union européenne et l’action jugée positive de la Russie. Israël perd petit à petit son statut d’allié privilégié avec le gouvernement turc mais renforce ses liens avec le Kurdistan d’Irak.
Que voit-on se bâtir ? La Turquie et la Perse ont la plus ancienne frontière commune d’Orient. Elle remonte à 1639. Les deux pays ont été des forces impériales régionales après l’effondrement du califat de Bagdad au XIIIe siècle. Elles sont des forces équilibrantes. Tous les autres pays de la région contestent plus ou moins les frontières dessinées par les anglo-français en 1916. La décision du gouvernement Bush de renverser Saddam Hussein au nom de la nouvelle démocratie affiche, en 2007, sa presque défaite entre le Tigre et l’Euphrate. Celle-ci accélère la prise de conscience autant des Arabes que des Perses, des Turcs, des Kurdes. Quel est l’élément fédérateur ? L’espace vécu selon la langue commune, la religion, l’affiliation tribale est le premier auquel s’ajoute l’espace idéalisé.
La Turquie se libère d’une politique pratiquée depuis le début de la république alors qu’elle traverse une période intérieure difficile. L’armée présentée comme belliciste et fidèle à l’alliance avec Washington et Tel Aviv pousse à l’action contre les Kurdes pour masquer une évolution stratégique. Les Kurdes d’Irak entendent jouir de leur autonomie et surtout devenir une pièce maîtresse de l’équilibre entre Ankara et Téhéran. Le point capital tient dans les négociations inter-orientales totalement dégagées des autorités « occidentales et Atlantique ».
Alexandre Adler parle dans
Le Figaro "d’une ruse de l’histoire", et Uguc Kaya dans la revue Cirpes de la fin du traumatisme de Sèvres. Ces deux historiens ont raison et prennent acte du mouvement en cours. La progression silencieuse de la diplomatie russe en Orient ne soulève pas la même méfiance. Elle suit, néanmoins, une politique ambitieuse – datée du XIXe siècle - gagner les mers chaudes. Elle a ce point commun avec tous ces Etats, la volonté de l’indépendance et de la maîtrise énergétique. Pétrole, gaz, oléoduc, gazoduc, fonds souverains sont des nouveaux emblèmes pour eux tous.
Le traité de Sèvres - quoique non appliqué - a traumatisé la Turquie et par contre-coup les Arabes victimes du cynisme de Londres et de Paris. On voit bien dans ce paysage en construction l’extrême faute que constituerait une attaque contre la Perse et l’erreur d’une campagne militaire au Kurdistan. Les Etats-Unis sont la puissance qui a le plus à perdre : ses propres alliés les boudent, Turquie, Bagdad, Kurdistan. Ils sont presque dans une nasse. Un nouvel Orient se dessine-t-il?


©copyright Jean Vinatier 2007

Liens : http://www.atlas-historique.net/1914-1945/cartes/TurquieSevres.html
http://www.atlas-historique.net/1914-1945/cartes/TurquieLausanne.html
http://www.atlas-historique.net/1914-1945/cartes/EmpireOttoman1925.html






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