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jeudi 11 octobre 2007

Juan-Carlos Ier et l’Espagne N°51 - 1ere année

En ce début d’automne les rois reviennent sur le devant de la scène. En Belgique, Albert II constitue l’ultime rempart avant une dissolution de l’état. En Espagne, Juan-Carlos Ier fait face aux feux croisés des indépendantistes catalans, basques et de la droite ultra-catholique. Les premiers exigent l’abolition de la monarchie, la seconde demande l’abdication du souverain.
Que se passe-t-il au-delà des Pyrénées ? Juan-Carlos de Bourbon, descendant de Louis XIV, règne sur l’Espagne depuis la mort de Franco en novembre 1975. En février 1981, le jeune monarque sut par son intervention arrêter le coup d’état du lieutenant-colonel Tejero et gagner du coup sa légitimité démocratique. Tous les partis défilèrent le jour suivant pour le remercier. En 2007, l’Espagne arrive, peut-être, à un tournant, de son histoire.
Sans remonter à la nuit des temps, l’Espagne connut au XIXe siècle une instabilité politique : trois guerres carlistes (600 000 victimes), une république, un changement dynastique et in fine en 1898 la perte de son empire, Cuba, Philippines, Porto Rico. Le début du XXe siècle n’apaisa pas les tensions nées des décennies précédentes. Le règne d’Alphonse XIII, grand-père de l’actuel roi, couvrit cette période qui s’acheva en 1931 par la proclamation de la IIe République. Le nouveau régime ne freina en rien les oppositions tant de la gauche révolutionnaire, des anarchistes que de l’armée. Le coup d’état de juillet 1936 ne surprit personne. La guerre civile fit des millions de morts. Le général Franco établit un régime dur, impitoyable jusqu’à la fin en 1975. La volonté très nette de Juan-Carlos de démocratiser l’Espagne, d’accepter la perte de la plupart de ses pouvoirs soulignait bien le caractère engagé du souverain ainsi que de sa parfaite connaissance du défi placé devant lui. En 2007, l’Espagne achève sa période d’apprentissage politique. Le problème tient dans la solidité du corps social qui menace de craquer de partout. La montée du racisme vis à vis des Marocains, des Américains du Sud ne fléchit pas. L’économie, amplement soutenue pendant des années par les subventions européennes, flancherait si la bulle immobilière éclatait. Tout le monde se tait sur ce point de peur de précipiter les événements. Le risque est cependant là. Les indépendantistes catalans, basques excitent aux surenchères politiques. Le portrait du roi brûlé en place publique est un signe. La société espagnole accepte malaisément les réformes de José-Luis Zapatero tel le mariage homosexuel. Les relations entre l’Eglise et l’Etat se distendent.
Si l’extrême droite, les indépendantistes ne forment pas une majorité dans l’esprit espagnol, les blessures de la guerre civile et de la dictature franquiste subsistent encore. Elles contribuent davantage à fragiliser les Espagnols.
Quel est le symbole de l’unité hormis la personne du souverain ? Et bien le Roi lui-même. Il n’a plus les pouvoirs mais il reste le chef suprême des armées. Que pense l’armée de la situation actuelle ? Que ressent-elle devant le Roi qui a ordonné aux officiers fidèles à Tejero de rentrer dans les casernes ? L’Europe, enfin, joue-t-elle en faveur de la solidité du régime ou bien ne compte-t-elle pas ?
Les peuples ayant la mémoire courte, le Roi a raison de rappeler les décennies écoulées. Il sait, aussi, que la monarchie tient davantage dans sa personne que dans la dynastie de Bourbon. L’Espagne a montré sa faiblesse et plus encore sa soumission à une longue dictature de 1939 à 1975. Le royaume manque d’un avenir politique plus précis. La lancinante question des autonomies mine son corps tout entier. Toute la réflexion de Juan-Carlos tourne autour de la manière de redessiner un objectif politique pour le pays. Les partis au pouvoir de la gauche à la droite ne possèdent pas la force indispensable pour voir unie sous leurs yeux toute la nation.
L’Espagne pose une question à l’Europe celle de son lien avec la Méditerranée, de son histoire où musulmans, juifs, chrétiens jouèrent le rôle déterminant. Si la Belgique relève au premier chef de l’Europe puisqu’elle lui doit sa création en 1831, l’Espagne l’interpelle sur le plan démocratique dont le Roi est le symbole en chair et en os.
Où est donc le noyau dur européen ?

©copyright Jean Vinatier 2007

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